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Nadi Shodhana Pranayama

Évoquer le yoga sans mentionner Nadi Shodhana semble inconcevable tant cette respiration alternée est centrale à la pratique. Élément fort pour équilibrer l’énergie et purifier les nadis, ce souffle accessible à tous, transforme aussi les tendances psychiques. Découvrez tout de cette icône du hatha yoga.

1. Étymologie et origine de Nadi Shodhana pranayama

A. Étymologie

L’objet du hatha yoga est l’harmonisation et l’union de la force mentale et de l’énergie vitale pour élever la conscience de l’individu. Un peu à l’image des pôles positif et négatif d’un circuit électrique, deux voies majeures se partagent le trajet de ces forces dans le corps, Ida et PingalaIda est attribué au mental et circule sur le côté gauche du corps tandis que Pingala qui correspond à l’énergie vitale et se place sur le côté droit du corps. Dans le yoga, ces canaux ou flux énergétiques se nomment les nadis. Ils sont des milliers dans le corps, mais avec la Sushumna qui correspond au canal de la moelle épinière, Ida et Pingala sont les trois principaux.

 

Ainsi Nadi Shodhana Pranayama est un terme sanskrit qui vient de « Nad » qui signifie « courant », en faisant référence aux canaux du système énergétique et de « shodhana » qui signifie « purifier ». Pranayama est un terme plus large qui englobe toutes les techniques de yoga qui ont trait à la maîtrise du souffle. Cette technique de yoga est ainsi une respiration qui permet la purification des canaux du système énergétique.

B – Origine

Bien que sa date d’origine ne soit pas connue, étant mentionné par de nombreux textes de de référence du yoga qui sont vieux de plusieurs siècles, Nadi Shodhana est considérée comme une pratique ancienne.

Voici ce que dit le Hatha Yoga Pradipika, un texte fondateur du hatha yoga datant du 15ème : « Assis en baddha padmasana, le yogi doit inspirer par la narine gauche, tenir le souffle au maximum, puis expirer par la narine droite. Ensuite inspirez par la narine droite, remplissez progressivement l’abdomen, effectuez le kumbhaka comme auparavant, puis expirez complètement par la narine gauche. Inspirez par la même narine qui vient d’expirer, tenez le souffle jusqu’à la capacité maximale, et expirez par l’autre narine lentement, sans forcer. »

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On retrouve aussi des explications très similaires sur ce pranayama dans le Shiva Samhita : « Le yogi doit fermer avec le pouce pingala (narine droite), inspirer l’air par ida (narine gauche) et le retenir le plus longtemps possible. Enfin il expire par pingala lentement et avec douceur. Et de nouveau il inspire par pingala, retient l’air le plus longtemps possible, puis expire par ida, sans forcer, tout doucement. »

2. Que dit la science sur la respiration alternée ?

Bien qu’ayant des sources lointaines dans la tradition du yoga, nadi shodhana a fait l’objet d’études qui lui offrent une autre forme de légitimité et qui confirment ses effets sur la santé physique et psychique.

 

C’est le cas de l’International Journal of Research and Analytical Reviews qui d’après son étude « Role of Nadi Shodhana pranayama in the management of hyperventilation syndrome » publiée en 2018 montre que cette respiration apporte tranquillité et relaxation mentale et qu’elle permet également de supporter une plus grande rétention de dioxyde de carbone ce qui conduit à la guérison de patients souffrant d’un syndrome d’hyperventilation.

 

Une autre étude de ce journal publié en 2013 « Effect of nadishodana pranayama on cardiovascular parameters among first year MBBS students » montre que cet exercice augmente les performances cardiovasculaires et stimule le système nerveux parasympathique qui permet de ramener l’organisme à un état de calme après une période de stress.

 

Un dernier exemple vient d’une étude du Thai Journal of Physiological Sciences de 2005, intitulée « Immediate effect of « Nadi-Shodhana pranayama » on some selected parameters of cardiovascular, pulmonary, and higher functions of brain » qui montre que la pratique de Nadi Shodhana améliore les fonctions cardiaques et pulmonaires. Cette étude révèle aussi que cette technique, en offrant une meilleure réponse au stress émotionnel, physique et mental permet d’améliorer son efficacité au travail, sa capacité d’apprentissage et même sa capacité à résoudre des problèmes mathématiques.

3. Comment faire nadi shodhana ?

A. Positions pour pratiquer

Cette technique de respiration est douce, progressive et accessible à tous à condition de prendre quelques dispositions. Pour ce pranayama deux éléments posturaux sont importants, l’assise et la position de la main au visage.

 

Pour l’assise ce qui est important, c’est d’abord le confort bien entendu mais c’est aussi la position du dos. Ce dernier doit rester bien droit pour faciliter la circulation énergétique et conserver un esprit alerte. Maintenir un dos droit a aussi l’avantage de muscler le dos, c’est ainsi un gage de bonne santé. On peut donc très bien pratiquer sur une chaise. Néanmoins, une assise au sol, si votre souplesse vous l’accorde sera davantage préconisée. En effet, les postures assises de yoga auront l’avantage de bloquer naturellement les pertes énergétiques du bas du corps et de guider au contraire ces courants praniques plutôt autour des chakras et des flux énergétiques. Parmi les postures de yoga les plus adaptées pour cette respiration il y a sukkhasana, la posture aisée ou le tailleur, vajrasana, la posture de la foudre ou du diamant, ardha padamasana, la posture du demi-lotus ou encore padmasana, la posture du lotus.

Sukkhasana – Posture aisée
Vajrasana – Posture du diamant
Ardha padmasana – Posture du demi-lotus
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Padmasana – Posture du lotus

Pour ce pranayama il est également nécessaire de maintenir la main droite au visage. Pourquoi la main droite me direz-vous ? Et bien car en plaçant la main droite au visage nous exerçons une pression au niveau de l’aisselle droite qui inhibe un peu les tendances dominantes du système nerveux sympathique, qui s’active en réponse à un stress. Pour faire le parallèle énergétique, ce blocage limite la circulation de pingala pour favoriser de manière subtile ida. La main qui sera au visage sera ainsi toujours la main droite, avec l’index et le majeur tendus et l’annulaire prêt à boucher la narine gauche et le pouce prêt à boucher la narine droite. Il faut être vigilant de maintenir la main droite au visage avec le moins d’effort possible. C’est un entraînement avant que cela soit une habitude mais veillez à détendre l’épaule et à ramener le coude au plus près de la poitrine.

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Nadi Shodhana avec position de la main droite

B. Description de la technique

Cette technique de yoga est une respiration alternée qui se fait en inspirant et en expirant toujours par les narines, la bouche doit rester fermée. Par ailleurs, sur une inspiration c’est d’abord la zone abdominale qui doit se gonfler avant la zone thoracique. Cela sera l’inverse pour l’expiration où l’on verra la poitrine se relâcher puis le ventre légèrement rentrer.

Comme la plupart des techniques de hatha yoga traditionnel, nadi shodhana, pour en tirer le maximum de bénéfices, nécessite d’être couplée à différents éléments. En voici la liste :

 

– Pour que votre pratique soit optimale Mula Bandha est indispensable. Cette contraction des muscles du périnée doit être tenue (de préférence) du début à la fin de votre pratique et renforcée durant les blocages à poumons pleins. Mula bandha c’est la contraction des muscles du vagin et de l’utérus chez la femme et des muscles situés entre l’anus et les sphincters génitaux chez l’homme. Cette base va permettre de conserver l’énergie et d’inverser le sens de sa circulation pour l’inviter à se condenser autour de zones énergétiques stratégiques. Tenir mula bandha de manière continue est un apprentissage, un peu délicat au début, puis cela devient rapidement un réflexe.

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Mula Bandha

– Pour cette respiration la maîtrise du souffle joue un rôle majeur. L’idée essentielle outre d’alterner le souffle par une narine ou l’autre c’est de le ralentir. Plus il sera lent par rapport à votre capacité, plus les effets seront grands. Ainsi un élément clé c’est ujjayi, une légère contraction de la glotte. Lorsqu’on la met en place ça donne une respiration relativement bruyante. Ujjayi permet de tenir le souffle, de le réduire et de le fluidifier tout au long d’une inspiration ou d’une expiration. Sa mise en place est simple, c’est comme si on voulait faire de la buée sur une vitre mais le bouche fermée. Cette contraction au niveau de la gorge a aussi pour effet de bercer le mental, de l’apaiser et d’éveiller vishuddi chakra. Essayer de maintenir cette contraction à chaque instant lorsque vous vous exercez.

 

– Dans le but de stabiliser l’activité mentale et de condenser le courant énergétique en un point, les paupières seront fermées et les yeux seront en bhrumadya drishti, convergeant l’un vers l’autre et dirigés vers le centre du front.

 

– Il est également recommandé de faire kéchari mudra. C’est un mouvement de la langue qui se retourne et va le plus loin possible vers l’arrière pour se plaquer sous le palais. Cela rassemble les courants énergétiques en un point et limite la verbalisation intérieure.

 

– Enfin, dans la lignée du hatha yoga traditionnel, une visualisation spécifique peut être utilisée. Ici nous présenterons seulement sa version la plus simple, en arc de cercle et non en serpentin autour des chakras. Cette visualisation part du périnée ou de muladhara chakra et suit la forme d’un arc de cercle qui se dessine au rythme de l’inspiration pour se terminer au milieu du front en pause à plein. Sur l’expiration elle suivra le chemin inverse par l’autre narine. Cet arc de cercle sera de couleur jaune lunaire pour le côté gauche du corps et rouge solaire pour le côté droit. Évidemment cet élément est un plus pour votre pratique mais n’est pas indispensable pour profiter des premiers effets de ce pranayama.

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Nadi Shodhana – Visualisations & mantras

Déroulé de la pratique

Commencez par prendre une posture assise confortable. Placez ensuite la main droite au visage. L’index et le majeur sont déposés sur le nez avec les bouts de ces doigts au milieu du front. L’annulaire est plié et prêt à boucher la narine gauche et le pouce est prêt à boucher la narine droite. Détendez bien l’épaule, déposez le coude droit sur la poitrine et fermez les paupières. Mettez en place mula bandha, les yeux en bhrumadya drishti et expirez par les deux narines. Bouchez la narine droite et inspirez le plus lentement possible par la gauche. Venez en pause à plein et bouchez les deux narines. Tenez 4 fois plus que la durée de l’inspiration puis videz par la narine droite. Poursuivez ainsi, on inspire d’un côté, on vient en pause à plein et on expire de l’autre côté. Le périnée reste serrée, les yeux convergeant et le souffle est ralenti au maximum. Si vous êtes à l’aise rajoutez la visualisation de l’énergie. Cerise sur le gâteau vous pouvez également prononcer intérieurement le mantra YAM à gauche, que l’air rentre ou sorte et le mantra RAM à droite, à l’inspire comme à l’expire là aussi.

 

Faites ce cycle de respiration alternée toujours le plus lentement possible selon le temps que vous vous êtes fixé au départ. À la fin de votre temps de pratique, terminez en vidant par la narine gauche, laissez l’air rentrer et sortir librement et observez. Goûtez à l’immobilité et à la saveur de votre espace intérieur, la méditation commence ici.

C. Rythmes de la respiration et temps de pratique

Différents rythmes sont possibles selon votre humeur, votre niveau et la visée souhaitée. Le rythme le plus utilisé est sans doute le visamavritti 1/2 une respiration avec des temps inégaux, un temps d’inspiration et le double à l’expiration. Ce rythme est l’un des plus accessible, il apaise le mental et équilibre Ida et Pingala. Pour ce rythme vous pouvez utiliser le mantra HAM à l’inspire et SA à l’expire.

 

Une autre possibilité est de faire un rythme en visamavritti 1/4/2. C’est celui que nous vous avons présenté dans le déroulé de la pratique. 1/4/2 c’est un temps d’inspiration, quatre fois plus longtemps en retenant l’air et deux temps d’expiration. Par exemple, si votre inspire fait 5 secondes vous allez tenir 4 fois plus en bloquant l’air, donc 20 secondes et faire une expire sur 2 temps, donc 10 secondes. La proportion reste 1/4/2.

 

Ces deux rythmes sont ceux que nous vous recommandons le plus. Le premier car il est accessible et efficace pour s’apaiser et le second car il permet de véritablement purifier les canaux énergétiques et de profiter du plein potentiel de cet exercice. Le rythme 1/4/2 stabilise aussi le mental, le déconditionne profondément, il stoppe l’agitation et réduit ou arrête les pensées compulsives.

 

Pour la durée de la pratique, l’adage « plus c’est long plus c’est bon » est de rigueur. Bien entendu, prenez votre temps pour apprendre. Commencez par faire nadi shodhana 5 minutes par exemple, puis quand vous serez à l’aise passez à 10 minutes puis à 15, vous pouvez aller ainsi jusqu’à 25 minutes. 25 minutes c’est un ghatika, un temps de pratique connu dans le hatha yoga traditionnel, il permet de pleinement développer les pouvoirs d’un pranayama ou d’une posture.

D. Variantes

Les variantes pour cet exercice de yoga sont essentiellement des variations de rythme ou de type de souffle.


Respiration alternée sur un rythme carrée, en samavritti
Si vous êtes déjà habitué à ce genre de pratique et que vous souhaitez aller plus loin au niveau du déconditionnement et de l’énergie développée, vous pouvez opter pour une respiration carrée, en samavritti. Ici les 4 cycles de la respiration auront la même durée. L’inspiration d’un côté, la pause à poumons pleins, l’expiration de l’autre côté et la pause à poumon vide que nous n’avons pas soulignée auparavant auront la même durée. Ainsi si vous inspirez sur 10 secondes, il vous faudra rester 10 secondes en rétention, expirer sur 10 secondes et rester à poumons vides sur 10 secondes également. C’est sûrement là, le rythme le plus périlleux de tous les pranayamas.

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Nadi shodhana avec une respiration carrée / samavritti

Respiration alternée avec bhastrika

Une autre manière d’alterner le va et vient de l’air est non pas de le ralentir mais de l’accélérer et de respirer à la manière d’un bhastrika pranayama, le soufflet du forgeron. Vous allez ainsi inspirer et expirer toujours avec le même mouvement d’alternance, mais beaucoup plus rapidement et avec une respiration qui restera au niveau abdominal. Vous pouvez faire un cycle d’une minute de bhastrika alterné puis venir en rétention à plein par une narine. Tenez alors le plus longtemps possible en bloquant l’air puis videz par la narine opposée. Refaite un cycle de bhastrika alternée avant de venir en rétention à plein par l’autre narine. Pratiquez cette variante toujours par paire. Une paire = respiration alternée avec une inspiration finale d’un côté x 2. Vous pouvez faire de une à trois paires par pratique.

4. Quand pratiquer Nadi Shodhana ?

Les moments les plus préconisés pour la pratique sont tôt le matin ou en fin de journée, début de soirée. Cela est d’ailleurs valable pour toute séance de yoga. Cette respiration peut d’ailleurs constituer une séance de yoga à part entière. Ce sera particulièrement vrai si vous pratiquez le yoga au réveil ou avant d’aller vous coucher. Bien entendu, vous pouvez très bien placer cette respiration en fin de cycle, après une série de posture. Vous pouvez aussi la faire en préparation à votre méditation.

5. Bienfaits de Nadi Shodhana

– Équilibre et purifie Ida et Pingala, éveille la Sushumna
– Avec un rythme 1/4/2, développe progressivement l’énergie
– Augmente les moments durant lesquels l’esprit a une plus grande clarté
– Améliore la concentration, amène un état spontané de méditation
  Élève le niveau de conscience
– Réduit la fatigue mentale, l’anxiété, la dépression, le stress émotionnel
– Augmente la confiance en soi, la stabilité émotionnelle, l’humeur
– Équilibre le fonctionnement des hémisphères du cerveau
– Renforce l’immunité

6. Précautions & contre-indications

Comme tous les exercices de yoga et notamment le pranayama veuillez considérer quelques précautions ou contre-indications pour éviter toute déconvenue.

A. Précautions

Veuillez à avoir une posture confortable, cela implique l’assise en soit mais aussi la position de la main au visage. Il est important d’apprendre à ne pas forcer pour maintenir la position sur la durée. Par ailleurs, il est important de s’exercer avec douceur et dans la maîtrise au niveau de la respiration, essayez d’être fin et délicat.

B. Contre-indications

En cas d’infection active de l’appareil respiratoire ou une congestion nasale sévère, nous vous conseillons d’évitez nadi shodhana. Il vous sera d’ailleurs difficile de le faire. Attendez plutôt que les symptômes disparaissent. Par ailleurs, si vous avez récemment subi une chirurgie thoracique ou abdominale ou si vous êtes enceinte, nous vous recommandons de ne pas faire de rétention, préférez une respiration 1/2, un temps d’inspiration et le double à l’expiration.

 
 

Auteur :
Benjamin Borg – Stage.Yoga

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